mardi 19 février 2013

Zero Dark Thirty



Bon, je pensais pas aimer le dernier film de Kathryn Bigelow. Un film sur la traque de Ben Laden du point de vue de celle qui a mené LA enquête qui a mené sur quelque chose... Au départ, je regardais le projet de loin, le post-démineur de la réalisatrice, un nouveau film qui semblait dans la même veine...

Zero Dark Thirty, c'est le portrait d'une obsession. 11 ans à cherche une aiguille dans une botte de foin, à en devenir fou. Des années à perdre tous les gens autour de soi, à succomber aux facilités, à distordre les éléments, à chercher. C'est un peu le Zodiac du film de guerre, sauf que contrairement aux flics de San Francisco, Maya retrouve, elle, son tueur. Par hasard, dans un moment fragile.

J'adore qu'on se focalise sur elle, son ressenti, sa ténacité, que la réalisatrice garde son cap, sans dévier. J'aime qu'elle en montre la frustration, comment ses actions au départ ne mènent à rien (vision du terrorisme au quotidien), combien le pouvoir semble fou au départ. L'ouverture sur les cris d'horreur du 11 septembre se traduisent par une folie humaine dans une chambre de torture, premières scènes insoutenables, comme un écho l'un à l'autre, pas une justification, un écho douloureux, une forme de réaction en chaîne de l'horreur.

Revenons deux secondes sur la "polémique". Je me souviens avoir, à l'époque, adoré The Social Network pour sa nuance. Quand Fincher nous présentait Mark Zuckerberg, il nous laissait avec un drôle de gout en bouche. Mark est-il jugé dans le film? Oui, c'est un salaud, il abandonne ses amis... Oui, très bien, mais qu'en était-il de ses amis? Sont-ils jugés? Oui, chacun voyait en Zuckerberg un moyen de servir ses ambitions personnelles, un outil dont ils disposaient dans leurs jeux pour parachever leurs succès. L'ambiguité naissait ici : Mark n'a-t-il pas eu raison de faire ce qu'il a fait? Où serait-il s'il n'avait pas lâché les gens autour de lui pour s'assoir seul sur le trône? baisé. Il a eu raison? Sûrement. Probablement, mais en aimez-vous Zuckerberg pour autant? Non. Cautionne-t-on son action? Non...Mais qu'aurait-on fait? Un autre chemin? Oui, mais lequel?

La polémique du film sur la violence et la torture se ramène, selon moi, à la même idée. Oui, on observe, écoeuré, cette violence, que la réalisatrice choisit de ne pas ignorer, ni glorifier (on voit bien qu'elle n'amène quasiment rien, des bribes, que le terrorisme perdure, mais qu'elle rompt le silence). Mais l'ambiguité est là, elle est forte, elle ternie et tourmente tout le reste de l'action. C'est une guerre sale, elles sont bien là. Les ignorer, c'est justement ça l'horreur. Et le film ne se lasse pas de questionner, sans relâche, pour justement ne pas laisser ses questions au passé, ne pas laisser à l'histoire ce que les uns voudraient qu'on retienne. Non, l'histoire vient totalement, avec les horreurs, avec la folie...

Au delà de ces premières scènes, de ces vidéos, de ces images, Bigelow prend le temps de disséquer l'espoir perdu des agents de la CIA, qui sont envoyés dans l'abysse. La relation de Maya avec ses supérieurs est extrêmement bien décrite. De ce personnage de monstre qu'incarne génialement Jason Clarke, portant l'horreur sur ses épaules, assumant visage découvert ce qu'il inflige, quand il tend une cagoule aux autres, pour qu'ils ne soient que témoins anonyme. Et celui de Jennifer Ehle, qui s'accroche comme une drogue à sa piste, désespérée : chacun renvoie un miroir à Maya, qui se voit en missionnaire, en survivante, celle qui reste pour finir le travail, jusqu'à la folie. Le film exploite miraculeusement le jeu de Jessica Chastain, dont on observe, lentement, scrupuleusement, la métamorphose. Au delà de tout, du cahier des charges du film (la longue exécution finale, horrible de méticulosité dans sa reconstitution, horrible parce que quelque part cathartique, et d'autant plus salissante), c'est vraiment son jeu qui est au cœur du film. Le plan final en est une illustration puissante, un vrai dernier plan comme on les aime, une forme de questionnement, ni soulagé, ni guéri...

Zero Dark Thirty est une réussite inouïe, de ces films qui vous hantent, vous font réfléchir, sans note d'intention flagrante, sans personne à côté de vous qui souligne chaque trait grossièrement pour dire "c'est bien", "là, c'est pas bien". Il n'y a pas de héros dans ce film, que des opérateurs d'une répercussion, un écho à l'horreur, qui semble sans fin, sans point final

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