"Quiconque s'est introduit dans leur monde immortel et commence à s'y sentir chez soi ne tardera pas à entretenir un nouveau rapport avec la matière des ouvrages comme avec les ouvrages eux-mêmes. On dit souvent qu'il ne faut pas se contenter d'en lire mais qu'il faut aussi en acquérir. Instruit par l'expérience et possédant une bibliothèque non négligeable, le vieux bibliophile que je suis peut vous assurer qu'acheter des livres ne sert pas seulement à nourrir les auteurs et les libraires : outre la lecture, la possession des textes eux-même génère ses propres joies et sa propre morale. C'est un bonheur, par exemple, que de se constituer progressivement une belle petite bibliothèque avec des moyens modestes en bravant toutes les difficultés: il faut se procurer les éditions populaires les moins chères, étudier assidument les catalogues et se montrer sagace, tenace et futé ; c'est un sport passionnant ! Inversement, le riche lettré prend un rare plaisir à dénicher la meilleure, la plus belle édition de ses oeuvres favorite, à collectionner des textes anciens et recherchés, à faire en sorte que ses livres soient spécialement, somptueusement et amoureusement reliés. Là, du luxe à l'éparge sou par sou, bien des voies, bien des joies sont possibles."
(in La Bibliothèque Idéale)
Ce texte d'Hesse m'amuse terriblement, parce que dans sa description, dans ces petites touches qu'il décrit ici, je me retrouve (ainsi que beaucoup de camarades cinéphiles), lors que la constitution de nos petites collections de DVD/Blu-Ray, le souci de l'image, des bonus, de l'habillage, la maniaquerie fabuleuse de fouiller sur le net à la recherche de la bonne édition, du meilleur prix, les périodes de bonne fortune où on dépense sans regarder (avec mille bonnes raisons en poche).
On pourrait étendre ça à pleins de domaines.
Excellent texte. Cet homme a tout compris.
RépondreSupprimerEt oui, rien ne change...
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