mercredi 21 septembre 2011

Une maison faite de branches...


J'ai longuement repoussé l'écriture de ce texte, parce que j'ai longtemps ignoré ce qu'incarnait pour moi le dernier film de Lars Von Trier, longtemps je ne maîtrisais pas tout.

Lars est un réalisateur dont je m'étais promis de ne plus voir un film après l'affreux Dogville. J'ai longtemps pensé que c'était la bande annonce, douce (pour lui), la beauté des images, le casting ou encore la perspective de voir Kirsten Dunst nue (oui, soyons honnête, pas mal y ont pensé, j'en fais parti, je ne le cache pas), qui m'avait fait changé d'avis.

En fait, plus que tout, c'est le titre du film, ce mot qui symbolise tant, qui m'a conduit dans la salle de cinéma.

Melancholia. Le plus beau nom pour une belle chose qui nous détruira tous...J'avoue même avoir eu la haine que ce si beau titre échoue dans les mains d'un réalisateur que j'aime si peu.

Et dès les premières images, j'ai laissé de côté les préjugés, les rancoeurs et le mauvais esprit. Dès l'ouverture, cette chute d'oiseaux, cette mariée, j'étais tout à l'écoute d'un film qui allait remuer mon côté sombre, qui allait fouiller là où mon esprit divague, mon dark passenger, celui qui ne plait pas et que je côtoie de trop près parfois.

Melancholia met en scène une fin du monde, mais pas de la manière dont on l'a envisagé encore et encore, avec toute la rage et l'amertume habituelle. Non, ici il n'est question que de quelques personnes, isolées, qui assistent sur des chaises de jardin à la fin.


L'idée, simple, n'en est pas moins terriblement séduisante et sujette à tant de matière sombre.

Tout commence par un mariage qui dérape, comme une mise en scène où personne ne semble y croire. "Es tu sûre de vouloir faire ça?" demande Claire à sa soeur Justine, belle enfant ayant trouvé une bon emploi et un beau mari et qui va faire un beau mariage. Mais Justine, à l'heure de sa gloire, est rappelé par son passager à elle, et petit à petit, sombre dans un désir violent de laisser tout éclater à sa guise. Placer des tableaux de mort sur les murs, coucher avec un inconnu, planter son nouveau fidèle, démissionner de cet emploi qu'elle déteste. Justine se rend compte que Melancholia arrive, et elle se laisse faire à ce qui est en elle, qui a toujours été.

Dès lors démarre une seconde partie où Justine est une ombre, consommée, vivant le réel comme un bel apocalypse. Claire, survivante prend les rennes du film. Et nous de suivre, de nos yeux, l'exploration méthodique d'une fin du monde, les achats de dernières minutes "au cas où", la fascination pour l'explication scientifique...


Le film devient terriblement touchant avec Claire, qui touche à l'autre versant de la mélancolie, une forme de combat "parce qu'on n'a pas le choix", mais dans le cœur la peur terrifiante de la fin de tout, une peur qui menace. Les deux sœurs sont toutes deux liées à la planète, au mot. Le film n'ignore rien du sens de la mélancolie et s'articule aussi fortement que possible sur ces deux versants, celle qui abandonne et celle qui s'accroche non par volonté mais par manque de choix.

Melancholia est un film réellement dépressif, au sens brut du terme et c'est en cela que sa fin du monde, mort consciente, est si glaçante. Face à la fin, chacun réagit à sa manière, fuient, hurlent ou se construisent une maison faites de branches, un artifice pour mieux accepter. Car il n'est rien, au final, qui puisse combattre ce mal-être, qu'une construction imaginaire où l'on trouve la paix, qui ne résout rien mais apaise.


Il y a quelques années, je me baladais dans une expo parisienne qui m'avait tétanisé à l'époque parce qu'elle m'avait étrangement parlé: mélancolie. C'était au grand palais et sa visite visait à entrevoir le sens du terme à travers les œuvres et les textes d'artistes d'époques et d'origines différentes. Il y avait souvent des sourires sur les tableaux, accolés à des cranes, des jardins où régnait un élément de chaos...C'était cela qui m'avait parlé. Chez Hopper, la mélancolie prenait la forme d'une femme seule dans un coin de cinéma, qui s'isole et ne semble pas arriver à partager le plaisir des autres. Comme une mariée qui ne pourrait vivre ce rêve qu'on lui offre, rattrapée par un vieux démon.


Melancholia est un grand film.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire